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Publié le par Florian Rouanet
Nationalismes germaniques et catholicisme : entre résonance et opposition doctrinale ?
⁂ Arène de l’approche organique et intégrale
Ô lecteur affublé d’esprit critique,
Faut-il que l’ordre naturel, lorsqu’il se raffermit dans un nationalisme organique et viril, ouvre la voie au règne surnaturel du Christ-Roi ?Cette question, aussi incandescente que récurrente, hante certains esprits catholiques — dont nous sommes —, et notamment depuis que les nationalismes du XXᵒ siècle, notamment en Allemagne et en Italie, ont tenté d’être les hérauts de la tradition et du sang.
Or il existe bien une tension entre un « catholicisme thomiste », vertical et hiérarchique, et certaines formes « d’impérialisme fascisant », lesquels se réclament aussi de l’ordre, de la loi et du sacral.
Mais encore, le véritable révolutionnaire d’aujourd’hui est celui qui se dresse contre la Révolution, c’est-à-dire contre l’idéologie horrifiante des Lumières, pour rappeler le monde au retour de l’enracinement. Carl Schmitt l’avait bien compris : cette souveraineté est sacrificielle, car elle suppose qu’un chef accepte de porter sur lui la décision ultime, jusqu’au prix du sang. Tel fut le legs entre autres de Théodose, de Charlemagne et de Charles Quint, figures où la loi naturelle et la loi divine s’embrassaient en une harmonie certes distinctes : garantissant l’ordre terrestre sous la lumière céleste.
Ce papier s’efforce de clarifier ce « bal des -ismes », en éclairant les convergences plus qu’apparentes entre la doctrine sociale catholique et la Weltanschauung du national-socialisme, sans faire ni amalgame ni apologie déraisonné. Il s’agit d’un chemin escarpé, mais non interdit.
🎙 Antenna I.O. Vox Frequencia
La brute est capable d'aimer, elle ;
Un contexte politique sain favorise la sainte ReligionApproche intégrale : du haut vers le bas (Dieu, Cité, individu…) ;
et approche organique : du bas vers le haut (famille, commune, nation…)
☒ Sémantique qui cogne
SYMPATHIE DOCTRINALE, loc. fém.
Disposition intellectuelle à reconnaître des proximités entre deux systèmes d’idées, menant parfois à de bonnes dispositions, ou à des confusions.IMPERIUM CHRISTIANUM, loc. masc.
Idéal politique médiéval d’une chrétienté unie, où l’autorité temporelle est subordonnée à la finalité spirituelle.WELTANSCHAUUNG, subst. fém. all.
Conception du monde totalisante, structure l’éthique, la politique, l’art et les confessions.VOLK, subst. masc. all.
Communauté organique d’appartenance ethnique et historique, liée à une vocation collective.VÖLKISCH, adj. all.
Caractère mystique et identitaire lié au Volk, connoté racialement, mais aussi spirituellement.☥ Ancienne leçon létale
« Rien n’est plus antichrétien qu’une valorisation extrême-démocratique de l’être. »
« Il n’existe aucun compromis conceptuel entre la foi catholique et la pensée libérale ; l’inimitié est absolue. »
« Les tables du devoir national-socialiste et celles des impératifs catholiques… indiquent la même direction. »
— Père allemand Michael Schmaus, Begegnungen zwischen katholischem Christentum und nationalsozialistischer Weltanschauung, 1933.
Dom Prosper Guéranger à propos du « sens chrétien de l’histoire » :
« Mais si l’homme ne peut être connu en entier sans le secours de la lumière révélée, s’imagine-t-on que la société humaine, dans ses phases diverses que l’on appelle l’histoire, pourra devenir explicable, si l’on n’appelle pas au secours ce même flambeau divin qui nous éclaire sur notre nature et nos destinées individuelles ? L’humanité aurait-elle par hasard une autre fin que l’homme ? L’humanité serait-elle donc autre chose que l’homme multiplié ? Non.
En appelant l’homme à l’union divine, le Créateur y convie en même temps l’humanité.
[…] L’histoire doit donc être chrétienne, si elle veut être vraie ; car le christianisme est la vérité complète ; et tout système historique qui fait abstraction de l’ordre surnaturel dans l’exposé et l’appréciation des faits, est un système faux qui n’explique rien, et qui laisse les annales de l’humanité dans un chaos et dans une contradiction permanente avec toutes les idées que la raison se forme sur les destinées de notre race ici-bas.
[…] On ne l’a pas assez remarqué, la religion chrétienne a créé la véritable science historique, en lui donnant la Bible pour base, et personne ne peut nier qu’aujourd’hui, en dépit des siècles écoulés, en dépit des lacunes, nous ne soyons plus avancés, somme toute, dans la connaissance des peuples de l’antiquité, que ne le furent les historiens que cette antiquité elle-même nous a légués. »
— Dom Prosper Guéranger, « Du Naturalisme dans l’Histoire — 2ᵉ article », L’Univers, 21 février 1858 ; repris dans Le Sens chrétien de l’Histoire. (La Porte Latine, Liberius)Σ Plan par manche
- ⚖ I. Thomisme politique et anthropologie fascisante
- ⚡ II. La révolution contre-révolutionnaire : Hitler et l’ordre
- ✨ III. De Constantin à Charles Quint : l’Imperium Christianum
- 📊 IV. Loi naturelle et loi divine : harmonie ou dévoiement ?
- ⛪ V. Schmaus, Schmitt et théologie nationale/impériale
⚖ I. Thomisme politique et anthropologie fascisante
Le thomisme politique, enraciné dans la pensée de saint Thomas d’Aquin, affirme que la loi naturelle, accessible à la droite raison, ordonne les sociétés humaines vers leur fin temporelle en vue de la fin surnaturelle : autrement nommée la vision béatifique.
L’ordre politique, bien conduit, est ainsi la servante de la grâce. L’homme au sens aristotélicien, animal politique, n’est pas pour autant qu’un pur produit collectif (même si cela tient de sa nature) : il reste une personne, créée à l’image de Dieu, ordonnée au salut.L’anthropologie fascisante, telle qu’élaborée dans l’Allemagne des années 1930 par exemple, intègre l’individu dans le Volk, dans une entité communautaire où le sang, le sol et l’histoire priment pas tant sur la raison que la « liberté libérale ». Il ne s’agit pas seulement d’un patriotisme fort : c’est une conception politique totalisante et hiérarchisante du destin humain.
Et certains catholiques, lassés du chaos libéralo-rouge, virent dans cette exaltation de l’ordre une alternative salutaire pour les chrétiens. Leur « thomisme » se fit alors accommodant : rapprochements entre la hiérarchie naturelle et l’autorité fasciste. Ce glissement, Schmaus en fournit un exemple « assimilant » l’anthropologie biologique du NSDAP.
« Il faut donc, outre ce qui meut chacun vers son bien propre, qu’il y ait quelque chose qui meuve au bien commun du grand nombre. C’est pourquoi, dans toutes les choses ordonnées à l’unité, on trouve un principe qui dirige les autres. Dans l’univers des corps, en effet, par le premier corps — à savoir le corps céleste — les autres corps sont régis selon un certain ordre de la Providence divine ; et tous les corps le sont par la créature raisonnable. En l’homme même, l’âme gouverne le corps, et, parmi les parties de l’âme, l’irascible et le concupiscible sont gouvernés par la raison. De même encore, parmi les membres du corps, l’un est principal qui meut tous les autres, comme le cœur ou la tête. Il faut donc qu’en toute multitude il y ait quelque chose qui gouverne. »
— Thomas d’Aquin, De regno ad regem Cypri, I, cap. 1 (texte latin). https://la.wikisource.org/wiki/De_regno_ad_regem_Cypri« La distinction des êtres est double : l’une, formelle, parce qu’ils diffèrent par l’espèce ; l’autre, matérielle, lorsqu’ils ne diffèrent que numériquement. Or, la matière étant ordonnée à la forme, la distinction matérielle est ordonnée à la distinction formelle. C’est pourquoi l’on voit, dans les choses naturelles, les espèces comme rangées par degrés : ainsi les corps mixtes sont plus parfaits que les éléments simples, les plantes que les minéraux, les animaux que les plantes, et les hommes que les autres animaux ; et, dans chacun de ces ordres, une espèce se trouve plus parfaite que les autres. Donc, de même que la Sagesse divine est cause de la distinction des choses en vue de la perfection de l’univers, de même est-elle cause de leur inégalité. Car l’univers ne serait point parfait si l’on ne trouvait dans les êtres qu’un seul degré de bonté. »
— Thomas d’Aquin, Somme théologique, I, q. 47, a. 2 (texte latin). https://www.corpusthomisticum.org/sth1044.html
⚡ II. La révolution contre-révolutionnaire : Hitler et l’ordre
Hitler se disait à la fois « conservateur » et « révolutionnaire »…, contre la Révolution-subversion française.
Lors de son procès de 1924, il déclare que la véritable trahison fut celle de 1918, et que son propre soulèvement n’était que le rétablissement de l’ordre bafoué. C’est là l’acte de naissance d’une « contre-révolution révolutionnaire » (Joseph Merel) – une réaction virile, non hostile envers la transcendance !
« Si je me tiens ici en révolutionnaire, c’est en révolutionnaire contre la révolution et contre le crime. »
— Adolf Hitler, première journée d’audition du 26 février 1924 après ledit putsch de la Brasserie bavaroise, lors de son procès pour “haute trahison” devant le Volksgericht de Munich. (freiheitskampf)Dans sa praxis, le national-socialisme entend restaurer l’ordre naturel, propice à un ordre chrétien : il rejette la démocratie libérale, mais aussi la faiblesse d’Ancien Régime. Il propose une refondation centrée certes sur le sang, le chef, la lutte, le spirituel. Mais cette « mystique de l’ordre » peut séduire les esprits ordonnés, également adepte de dignité humaine véritable.
L’Église, pour sa part, n’a guère d’estime pour les -isme en tant que tels : hormis le “catholicisme”, le Magistère évite soigneusement d’employer des termes comme “sédévacantisme” — préférant Sede vacante — ou “nationalisme”, remplacé par des expressions telles que amour de la patrie ou défense nationale.
✨ III. De Constantin à Charles Quint : l’Imperium Christianum
La vision catholique ancienne d’un pouvoir fort, ordonné au bien commun et subordonné à la vérité religieuse, ne date pas du XXᵉ siècle. Elle s’enracine dans l’histoire même de la Chrétienté.
Dès Constantin, « l’État » se fit protecteur de l’Église — sans toutefois s’ériger en substitut, sous Théodose du reste. Avec Charlemagne, l’idée d’un « sacrum imperium » prend forme : l’empereur n’est pas prêtre, mais bras armé de la foi.Charles Quint en fut peut-être l’ultime avatar crédible : combattant ladite Réforme, défendant l’unité catholique, il incarnait cette symphonie hiérarchique entre le glaive et la croix. Ce modèle – l’Imperium Christianum – suppose un double principe : la souveraineté politique n’est ni autonome (comme chez les modernes), ni concurrente (comme chez les théocrates), mais ordonnée à la souveraineté divine.
Le troisième Reich avait certes un État organique et moderne, mais il s’inscrivit selon son temps (avancées de la science et du progrès technique) et la nature, dans cet ordre traditionnel. En outre, il convoque les symboles impériaux.
📊 IV. Loi naturelle et loi divine : harmonie ou dévoiement ?
Le cœur du corpus thomisticum réside dans l’harmonie entre nature et grâce, entre loi naturelle et loi divine.
- La loi naturelle est inscrite dans le cœur de l’homme, discernée par la raison droite, commune à tous.
- La loi divine, révélée dans l’Écriture et transmise par l’Église, élève l’homme vers sa fin surnaturelle.
Toute société païenne, si elle respecte la loi naturelle, peut donc préparer le terrain pour l’Évangile. Cela vaut dans une certaine mesure pour Rome antique, comme pour des États modernes autoritaires.
Le piège ne serait que la substitution, ou un néo-gallicanisme anti-clérical encore.Michael Schmaus tente, en 1933, une jonction hardiecomme on l’a vu. Et si le « devoir d’État NS » repose sur le mode laïc à la doctrine sociale de l’Église, il est compatible ou bienfaisant à cette échelle :
« Ce sera une surprise pour beaucoup si j’affirme que les principes sociaux traduits par les encycliques du pape et les principes du national-socialisme sont les mêmes. Les principes des encycliques papales, les principes principaux sur lesquels sera fondée l’organisation sociale en Slovaquie, et les principes du national-socialisme sont identiques. Et seul celui qui n’a lu ni les uns, ni les autres, ou qui ne les a pas comparés, peut parler d’une lutte entre eux. »
— Mgr. Tiso, dans une tribune publiée par le journal « Slovák », le 7 septembre 1941.
Universel, rationnel et violent remède, voilà une bonne synthèse espérée. L’harmonie, non le dévoiement. Mais l’homme catholique doit bien se garder d’adorer César sous prétexte qu’il hait Voltaire bien sûr.
⛪ V. Schmaus, Schmitt et théologie nationale/impériale
Pour ne citer que lui ici, Michael Schmaus n’est point un marginal : il fut professeur, puis archevêque, et même un « théologien officiel » de Vatican II… En 1933, il prononce une leçon inaugurale où il esquisse les rapprochements possibles entre catholicisme et Weltanschauung hitlérienne. Il parle au moins d’un « oui provisoire » — le feu vert du Ja en allemand !
Carl Schmitt, quant à lui, théoricien catholique de la souveraineté à l’ère contemporaine, voit dans le régime fort le garant d’une stabilité « quasi liturgique ». Pour lui, en bon décisionniste, « est souverain celui qui décide de l’état d’exception ». Cette pensée est fascinante et fascisante !
La rencontre entre Schmitt et Schmaus illustre une chose : au nom de la lutte contre le libéralisme corrosif et de la Civitas Dei, on soutien des fondements « hitlériens ».
« L’heure vient où, pour sauver le monde, il faudra la poignée de héros et de saints qui feront la Reconquête. »
— Léon Degrelle, Les Âmes qui brûlent, chap. XXXII « Flottille d’âmes » (éd. diverses ; texte intégral en ligne) (Internet Archive)
🗎 Sentence par KO
En réalité, tout cela ne s’exprime pas sur le même plan et n’entre ainsi point en contradiction à angle droit selon les prérogatives entre juridiction de l’Église sur la Cité et rôle de l’État empire national-socialiste.
La métaphysique catholique, par le néo-thomisme bien compris (Louis Lachance, Garrigou-Lagrange, Nimio de Anquin, abbé Julion Meinvielle…), sait ordonner l’élan du nationalisme. Elle sait faire du pouvoir une mission, et de la communauté un chemin de salut. Mais elle refuse aussi que le politique prenne la place du théologique. Le Christ-Roi reste l’Alpha et l’Omega.
Il est manifeste, pour un esprit désireux d’ordre, de voir dans la masculinité nationaliste un terreau propice à la Résurrection de la Chrétienté.
Toutefois, la nature ne conduit à la grâce que si elle est baptisée. Le Volk n’est point la Civitas Dei, mais derechef : les deux postulats ne s’opposent point, ils ne s’expriment pas sur le même plan.📚 Pour approfondir
- M. Schmaus, Begegnungen zwischen katholischem Christentum und nationalsozialistischer Weltanschauung, 1933. https://romano-guardini.org
- K. Flasch, Katholische Wegbereiter des Nationalsozialismus, 2021. https://www.herder.de
- C. Schmitt, Théologie politique, 1922. https://gallica.bnf.fr/
- Abbé Cekada, Quid de sede vacante? (Sodalitium, In Memoriam)
- livres rares gratuits en PDF : HistoireEbook, Dissibooks, FreePDF.
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