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Publié le par Florian Rouanet
Royauté capétienne, Papauté, infaillibilisme, Joseph De Maistre, etc.
Sommaire
I. Origine du terme « ultramontanisme »
II. Contexte historique des conflits gallicans
III. Intégration d’ultramontain dans le vocabulaire catholique
IV. De l’autorité du Saint-Siège & extraits papaux suite et finContre-révolution, lato sensu ou catholique ?
Petite histoire catholique ultramontaineI. Origine du terme « ultramontanisme »
Le mot « ultramontanisme » apparaît pour la première fois au XVIe siècle dans les controverses entre les gallicans – conciliaristes et nationaux – et les défenseurs de l’autorité pontificale. Dérivé du latin ultra montes (« au-delà des montagnes »), il désignait péjorativement les fidèles du pape résidant à Rome, souvent perçus par leurs adversaires comme soumis à une autorité étrangère.
Les gallicans, ancrés dans la tradition française d’autonomie ecclésiastique, utilisaient ce terme pour stigmatiser ceux qui refusaient de réduire le rôle du Souverain Pontife. L’objectif implicite était de promouvoir une Église nationale sous la tutelle royale et de marginaliser les défenseurs de la centralité romaine.
II. Contexte historique des conflits gallicans
Le passage d’un proto-gallicanisme à un gallicanisme (officialisé), en France, est un processus long, marqué par diverses étapes historiques, politiques, et théologiques.
Carolingiens :
Sans remonter à l’époque mérovingienne, sous l’époque carolingienne d’abord (VIIIe-IXe siècles), avec Charlemagne, on assiste à un renforcement du rôle temporel de l’empereur dans les affaires de l’Église. L’idée d’un « empereur chrétien » comme garant de l’ordre religieux s’établit, mais toujours en collaboration avec le Pape. Ce rapport d’équilibre reste ambivalent et peut être considéré comme une préfiguration du « gallicanisme » : dans le sens où le pouvoir temporel empiète sur celui spirituel.
Conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII (début XIVe siècle avec un proto-gallicanisme ?) :
Ce conflit marque une étape décisive. Philippe le Bel, affirmant la primauté du roi sur les questions temporelles, rejette les « prétentions » papales à intervenir dans les affaires politiques de la France.
La publication de la bulle Unam Sanctam (1302) par Boniface VIII, affirmant la suprématie spirituelle du Pape sur le pouvoir temporel, est violemment contestée par le Roi. La réponse de Philippe se traduit par l’arrestation du Pape et le transfert du siège pontifical à Avignon (1309-1376), sous influence française.
Bout de France fille aînée avec Lebel et Nogaret
Crise du Grand Schisme d’Occident (1378-1417) :
La division de la papauté entre plusieurs prétendants accentue l’idée que l’Église de France peut se gérer en partie de manière autonome et « nationale ». Cela peut être mentionné brièvement.
Sigismond de Luxembourg : Roi de Hongrie et « Sauveur de l’Église »
Le gallicanisme, porté par des événements politiques et religieux, chercha à limiter l’influence pontificale en France :
• 1. La Pragmatique Sanction de Bourges (1438)
Sous Charles VII – remis sur le trône par sainte Jeanne –, cette ordonnance affirmait l’indépendance de l’Église de France face à Rome, donnant au roi un contrôle accru sur la nomination des évêques et d’autres questions ecclésiastiques.
• 2. Le Concordat de Bologne (1516)
François Ier conclut cet accord avec le pape Léon X, renforçant l’influence royale tout en maintenant des liens avec le Saint-Siège. Ce compromis concordataire symbolise l’équilibre fragile entre gallicanisme et ultramontanisme.Ici, le vrai visage du gallicanisme (les lois de la Gaule franque avant l’Église !) devient encore plus net. On comprend pourquoi un certain nationalisme autarcique va jusqu’à admirer les gallicans, voire les jabobins… !
• 3. La Déclaration des Quatre Articles Gallicans de 1682
Naissance officialisée et théorisée du Gallicanisme sous les Capétiens (XIe-XIVe siècles)Suite à l’étatisme centralisateur de Richelieu, sous Louis XIII, ce sera sous Louis XIV (absolutisme royal) que le gallicanisme devient un véritable principe d’État.
En effet, les évêques français réunis à l’instigation du roi rédigèrent quatre articles affirmant la supériorité des conciles sur le Pape et la non-ingérence du Saint-Siège dans les affaires temporelles. Ces articles furent condamnés par Innocent XI, mais le roi persista dans leur application.
Voici quelques extraits pertinents :
Jacques-Bénigne Bossuet, principal rédacteur des Articles, déclare dans le préambule :
“Nous avons cru devoir déclarer que […] le pouvoir spirituel ne doit pas empiéter sur le temporel, et que les rois ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique dans les choses temporelles.”
Le Pape Innocent XI, en réponse aux Articles, exprime sa désapprobation :
“Nous réprouvons et condamnons les dits Articles, comme contenant des propositions fausses, captieuses, téméraires, scandaleuses, et erronées.”
L’historien Émile Appolis analyse les conséquences des Articles :
“La Déclaration de 1682 marque l’apogée du gallicanisme, affirmant l’indépendance de l’Église de France vis-à-vis de Rome, mais ouvrant la voie à des tensions durables entre le pouvoir royal et le Saint-Siège.”
Mais regardons de plus près ces quatre articles, lesquels furent proclamés par une assemblée de l’épiscopat français sous l’instigation de Louis XIV :
1. L’indépendance du pouvoir temporel
“Le pouvoir du pape est purement spirituel et n’a aucune autorité sur les affaires temporelles ou civiles. Les rois et les princes ne sont soumis en aucune manière à son autorité temporelle, et ne peuvent être déposés ni leurs sujets dispensés de leur obéissance à cause des censures ecclésiastiques.”
2. La supériorité des conciles sur le pape
“Le pouvoir du pape est soumis à l’autorité des conciles œcuméniques selon les décrets du Concile de Constance (1414-1418), qui établissent la supériorité du concile général sur le pape.”
3. La régulation de l’autorité papale par les canons de l’Église
“L’exercice de l’autorité du pape est limité par les règles établies par l’Église universelle et par les coutumes des Églises particulières.”
4. Le consentement de l’Église pour les décisions doctrinales
“Les décisions du pape concernant la foi ne sont irréformables qu’avec le consentement de l’Église universelle.”Les 4 points sont condamnés et condamnables, du moins, encore plus à partir du Concile du Vatican… !
Il est possible de pousser l’étude du sujet avec “Louis XIV et le Saint-Siège” de Bernard Barbiche, offrant une analyse détaillée des relations entre le roi et la papauté ; ou encore “Le gallicanisme de Bossuet” de Jacques Le Brun explorant ses fondements profonds.
• 4. Louis XV et le refus des bulles pontificales
Le roi de France s’opposa à plusieurs reprises, à la promulgation de bulles papales, notamment la célèbre bulle Unigenitus de Clément XI (1713), qui condamnait les jansénistes.Après le quiétisme, au tour du jansénisme…!
• 5. Le Parlement de Paris et les libertés gallicanes
Le Parlement s’érigeait en défenseur du gallicanisme, usant de son droit de remontrance pour bloquer les décisions papales. Cet activisme symbolisait l’alignement des intérêts politiques et ecclésiastiques en faveur de l’indépendance française. Ainsi, un document condamnant la Franc-maçonnerie, comme la bulle In Eminenti de Clément XII, n’était même pas passé en France.III. Intégration d’ultramontain dans le vocabulaire catholique
Malgré son origine hostile, le terme « ultramontanisme » fut adopté et valorisé au XIXe siècle, particulièrement après la Révolution française, lorsque les catholiques cherchèrent à rétablir l’autorité spirituelle du Saint-Siège face à la montée des nationalismes et des idées libérales.
C’est souvent qu’un mot de rejet est repris pour être redéfini positivement : tels les communistes appelant fascistes les militants réunis en faisceau, selon Robert Brasillach.
Au lendemain de la Révolution
Après l’Ancien régime, des figures comme Joseph de Maistre et Louis Veuillot devinrent les champions intellectuels pro-romain de l’ultramontanisme français.
Joseph de Maistre in. Du Pape, en 1819 (nous évitons les passages qui peuvent porter au surnaturalisme, car le Pape est chef visible et non invisible de l’Église, de même qu’il peut avoir des origines nationales, sans « cesser » d’être le chef universel !) :
« L’Église romaine est l’autel et le trône du monde ; elle est le lien de l’univers, l’arche d’alliance du genre humain. »
« Hors de l’autorité du pape, il n’y a qu’erreur et schisme ; c’est lui seul qui peut juger, réprimer et unir les esprits dissidents. »
Livre I.
« L’Église n’a qu’un seul maître sur la terre : celui que le ciel a désigné par les clefs données à Pierre. »
Livre II.
« L’infaillibilité pontificale n’est pas une invention humaine ; elle est une nécessité divine pour garantir la vérité contre les attaques de l’erreur. »
Livre IV.
+ « Ce n’est pas l’homme qui a fait le pape, c’est Dieu ; et c’est Dieu qui a voulu qu’il fût la pierre sur laquelle tout repose. »
Considérations sur la France, 1796.
Un tournant : Le Concile Vatican I (1869-1870)
Le dogme de l’infaillibilité pontificale, défini par Pie IX, consacra la vision ultramontaine en affirmant l’autorité suprême du pape sur toute l’Église :
« Le Pontife Romain, lorsqu’il parle ex cathedra, possède cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que son Église fût pourvue. » (Pastor Aeternus, 1870)
Par ailleurs, le Pape a soutenu en son temps les zouaves pontificaux, sans spécialement employer l’expression d’ultramontain à notre connaissance.
IV. De l’autorité du Saint-Siège & extraits papaux suite et fin
• Innocent XI (1676-1689), réagissant aux Articles Gallicans :
« L’Église n’a qu’un seul chef visible, le Vicaire du Christ. Rejeter cette vérité est un acte de rébellion contre Dieu Lui-même. »
• Grégoire XVI (1831-1846), dans l’encyclique Mirari Vos (1832), dénonce le gallicanisme et le libéralisme religieux :
« D’aucuns osent proclamer que la discipline de l’Église doit se plier à l’esprit des temps : une erreur funeste, fruit d’un esprit d’insoumission ! »
• Saint Pie X (1903-1914), dans l’encyclique Pascendi Dominici Gregis (1907), contre les modernistes :
« Nous rappelons que la soumission à l’autorité pontificale n’est pas optionnelle : elle est le fondement même de la foi catholique. »
Conclusion
L’ultramontanisme, d’abord une insulte gallicane, est devenu un étendard de la fidélité catholique au Saint-Siège. À travers les siècles, il s’est affirmé comme une pierre angulaire de l’unité doctrinale et militante, contre les ambitions politiques des États et les hérésies internes.
Le combat entre gallicanisme et ultramontanisme illustre par ailleurs l’éternelle tension entre pouvoir temporel et spirituel, mais surtout la victoire, au moins spirituelle, de Rome : car l’Église n’a pas besoin de se soumettre aux caprices des nations, car elle est universelle.
Aujourd’hui l’ultramontanisme se présente davantage en milieu sédévacantiste, souhaitant défendre l’Infaillibilité pontificale, ainsi que la Divine constitution de l’Église.
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