• « La révolution conservatrice : un mouvement oublié de l’histoire des idées » – Écrits de Paris



    Une bombe atomique allemande, politique et culturelle.

  • I. Introduction :

    Voici un résumé laudateur d’un ancien article des EdP rédigé par David Veysseyre à propos de la Révolution conservatrice. L’auteur, qui est aussi un Ami, rend ici de signalés services en portant sur les fonts baptismaux une vision honnête, réelle et détaillée de l’entre-deux-guerres allemand et de son émulation de pensée dont nous vantons l’influence – parmi plusieurs autres similaires – sur cette plateforme.

    « Les Écrits de Paris » sont cette antenne doctrinale de Rivarol dirions-nous familièrement… Par définition, les productions plus « scientifiques » sont moins répandues et moins suivies, c’est pourquoi nous vous exhorterons davantage à  les  suivre en vous abonnant notamment à cette revue. C’est ce que tous les autres bons à rien du milieu ne vous diront pas pour vous maintenir dans l’ignorance et sous leur joug : il faut vous former en profondeur et acquérir les rudiments nécessaires qui vous permettront de penser par vous-même ; et ceci passe aussi en soutenant les bonnes revues radicales bien de chez nous. Trop de temps se perd, il suffit !

     

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    II. Origines et définitions  :

    L’emploi du syntagme « RC » remonte à un numéro du journal berlinois « die Volkstimme » datant du 24 mai 1848. Néanmoins, c’est bien le discours de Hugo von Hofmannsthal au sujet de « La littérature comme espace spirituel de la nation » qui va vraiment populariser la formule en 1927. La meilleure définition viendra ensuite de Moeller van den Bruck qui, dans son livre « Das dritte Reich » (Le IIIe Reich, mais non celui qui viendra avec les Nationaux-Socialistes allemands, une fois arrivés aux affaires en 1933). Cet auteur fut plus conservateur et élitiste que les « NS ».

    « Être conservateur, c’est créer des choses qui méritent d’être conservées ».

    Moeller van den Bruck, « Das dritte Reich », 1923.

    Ce que nous nommons « Konservative revolution » dans la langue de Goethe, est une nébuleuse intellectuelle qui offre à la droite un riche héritage pour l’Allemagne d’abord. Ensuite, ce courant amène un apport inégalé pour la pensée dans le monde selon ce qui se dit dans « Les droites allemandes 1871-1945 » de Stefan Breuer. C’est dire s’il est digne d’intérêt de l’étudier en long, en large, en travers et en toute objectivité !

    Ces principes politiques n’ont jamais été appliqués à l’échelle d’un régime contrairement au « rival » national-socialiste susdit ; c’est pourquoi il est resté un « simple » mouvement culturel et philosophique.

    Curieusement, c’est la recherche universitaire d’après-guerre qui a donné le terme définitif à cette mouvance hétéroclite grace à l’étude d’Armin Mohler. Car même si nous retrouvions cette expression dans quelques feuilles, nul homme à cette époque n’avait conscience d’appartenir à un vaste mouvement anti-parlementaire de contestation de la république fantoche de Weimar. Mohler, en travaillant le sujet, c’est lui qui a réussi à cerner le mieux les autres dénominateurs communs entre tous ces auteurs : racialisme germanique, jeune conservateur, nationaux révolutionnaires, masculinisme, esprit communautaire, paysannerie contestatrice et enfin pro-industrialisme/pro-technologique tout en étant anti-individualiste.

    Molher enfin, ne masquait pas ses sympathies pour ce qu’il étudiait et cela – le fait d’incarner véritablement son combat – est une bonne ligne de partage des eaux pour identifier un combattant. Et Molher est de ceux-là, ce qui n’a pas été sans conséquence dans sa vie personnelle ; il mérite notre respect et nos louanges ne serait-ce que pour ça.

    Certains ont osé la formule « anticapitalisme de droite », d’autres y ont vu un préfascisme, ce qui est juste dans une relative mesure : ce mouvement général se voulait à la fois moderne et anti-moderniste (au sens politique), enraciné et porté sur l’avenir. Ce conservatisme radical, paradoxalement, est révolutionnaire dans le sens où il ne conserve que ce qui est bon et pas n’importe quoi (suivez notre regard) ; et c’est-à-dire qu’il ne conservait rien de la société dans laquelle il se développait (Weimar).

    Les hommes de la RC – à l’instar d’Ernest Junger (LIEN) – visaient l’établissement d’une Révolution, mais qui cette fois (contre 1789) se voulait organique, spirituelle et culturelle, d’où son allergie naturelle à l’endroit de  l’illuminisme, des droits de l’homme et de l’individualisme libéral. Ce à quoi s’ajoute – particularisme oblige – le pro-germanisme et l’anti-slavisme (fort répandu, quoiqu’on en dise messieurs !).

    C’était un mouvement de gens cultivés, ce qui est une nécessité en politique. Il faut posséder un « minimum vital » lorsque l’on prétend gouverner le peuple d’une nation (le cardinal Richelieu en parle aussi dans son Testament politique ; et Mazarin n’aurait pas dit le contraire !). Voilà une chose qui manquait à des hommes politiques incultes comme le général Franco – certes pieux et courageux militaire, mais cela ne fait pas tout. L’auteur nourrit d’ailleurs une aversion à l’égard de son régime comme celui d’Oliveira Salazar, estimant en quelque sorte le « national-catholicisme » politiquement incomplet. Il estime surtout que leur « terrain réactionnaire » favorisait les  communistes par l’absence d’une bonne politique économico-sociale et pro-prolétaire/classes moyennes.

    « La révolution conservatrice, c’est donc l’acceptation de certaines parties de la modernité tout en perpétuant ce qu’il y a d’essentiel dans la tradition. (…) Armin Mohler, qui avait en plus une sympathie évidente pour son objet d’études voyait ainsi dans la Révolution conservatrice la forme allemande de la véritable alternative à l’idéologie libérale et progressiste issue de la Révolution de 1789 (vu comme le libéralisme occidentalisant, d’Europe de l’Ouest). Mais il a aussi démontré que la Révolution conservatrice était très différente du conservatisme réactionnaire classique soucieux uniquement de perpétrer l’ordre établi, peu politique, gestionnaire, souvent médiocre, cupide et jaloux de ses prébendes. (…) N’oublions pas que la Révolution conservatrice est d’abord une idéologie qui se propose de restaurer la tradition puisqu’il ne peut y avoir de bonne modernité sans enracinement dans la tradition. ».

    David Veysseyre, La révolution conservatrice allemande : un mouvement oublié de l’histoire des idées (Écrits de Paris, janvier 2016).

    III. Les tendances diverses (taxinomie des mouvements) :

    Tenons bien à l’esprit que cette droite conservatrice et révolutionnaire vise encore l’excellence de la haute culture, ainsi que la formation des hommes jusqu’au tréfonds de leurs âmes. En revanche, il ne suffit pas de dire que la « KR » allemande n’était pas monolithique pour y saisir quelque chose !

    Les tendances de la KR peuvent se scinder en plusieurs fractions  : 1. Les néo-conservateurs (héritiers du « 1er Reich » romain germanique, militariste et bourgeois), 2. Les jeunes conservateurs (plus radicaux que les précédents, mais également assez « médiévistes »), 3. Les nationaux révolutionnaires, ou néo-nationaliste soldatique aux côtés de Jünger notamment (mouvement prussianiste, sorte de jacobinisme à l’allemande), 4. Les nationaux-bolcheviques (ils étaient dénoncés par la Russie après 1933 comme pro-hitlériens, mais incarnaient pourtant l’aile gauche du régime au grand maximum !) et 5. Les racialistes germains et paganisants ou völkischen (les plus proches des NS, très axés sur l’héritage culturel ; ce sont eux qui préféraient l’antiquité purement germanique – nordique ou germano-slave selon les tendances internes – et qui se militarisaient ainsi contre l’héritage  gréco-romain en réaction. Leur origine historique datant des guerres de libération de 1813 contre Napoléon Bonaparte est la plus lointaine de toutes. Dans tous les cas, la KR juge les épisodes antérieurs au temps de Weimar comme meilleurs. Cette présentation  n’est ni exhostive ni canonique, mais acceptable.

    Ce riche courant donc, comme celui du NS du reste, ne peut être compris que lorsque l’on connaît d’abord l’histoire allemande : à partir du haut-Moyen âge germanique jusqu’à nos jours en passant par Charlemagne, les hellénistes allemands (XIXe/XXe ; lire Werner Jaeger sur Aristote et saint Thomas d’Aquin – LIEN) et l’essor national de la période contemporaine.

    Les NS allemands peuvent leur ressembler en tel ou tel point précis – influence sociale et historique oblige -, nonobstant en plus racistes et plébéiens ; et pour le coup, moins formés à la culture classique et ainsi plus « barbares » et moins universels. C’est le grand manque allemand que de ne pas avoir su donner un modèle d’honnête homme à l’humanité contrairement à ses voisins européens de l’Ouest. L’homme allemand réputé le plus universel est l’image du scientifique tout au plus, mais ce qui est déjà pas mal entre nous. De plus, pour alimenter les différences : l’impérialisme à l’allemande – plus éloigné des conceptions latines – entend appliquer plutôt la domination d’une communauté germanique sur les autres, tout en permettant à l’espace germanique (pangermanisme) d’avoir partout un développement libre et particulier (fédéralisme).

    Dans le reste du monde :

    À cause de la politique anglo-saxonne, un oxymoron est usité pour faire référence à une « Révolution conservatrice » plus récente encore : faisant référence aux Tatcher, à Ronald Reagan, et même à Donald Trump (sic). Ce qui est absolument sans commune mesure ! À la limite, et au sens large, ce « vocable » peut regrouper les penseurs traditionnels européens qui ne sont ni des progressistes dogmatiques, ni des réactionnaires fossilisés avec notamment en Espagne : Juan Vasquez de Mella, en Argentine : Nimio de Arquìn ; ou encore en France : Alexis Carrel).

    Plus précisément en France, après guerre, c’est la Nouvelle droite qui se revendique héritière, ou du moins prétend s’inspirer le plus, de la RC (tels sont : Réfléchir & Agir, Alain de Benoist, Robert Steuckers, etc). Autrement, l’équivalent – si l’on veut – de la RC avant la guerre, chez nous, est ces « non conformistes des années 30 » (Une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Paris, édition du Seuil, 1969) dans le livre éponyme de Jean-Louis Loubet del Bayle. Dedans est reprise toute la nébuleuse qui était dans l’esprit du temps tout comme la « Jeune Droite » (relative dissidence d’Action française). Pour se faire une idée de cette multiplicité, on pourrait s’imaginer dans quelques décennies comment certains auteurs et historiens pourraient traiter l’actuelle « dissidence » lancée par Alain Soral depuis 2008 et les satellites patriotiques alentour. Pour finir, en dépouillant la RC de ce qui est proprement germanique, ce courant pourrait nous aider y compris dans nos applications, soit universellement (ce qu’ont fait préalablement les Romains victorieux avec l’intellectualité grecque). C’est là un labeur monstre qui n’a jamais été effectué et qui ne demande qu’à être fait ! Qui sait, les Français ont peut-être encore un rôle à jouer à l’avenir en la matière : espérons-le !

    David Veysseyre, La révolution conservatrice : un mouvement oublié de l’histoire des idées (Partie 1/2), Écrits de Paris N°793, janvier 2016 (LIEN).

    En guise de péroraison non superfétatoire :

    Armin Mohler, notre maitre à tous, a formulé brillamment l’idée secrète et difficilement sensible qui nous anime en commentant le discours de Hoffmannstahl à Vienne en 1927 sur la littérature comme espace culturel de la nation, l’attitude devant le monde de la Révolution conservatrice ou du fascisme est ici :

    « Dort nennt der Dichter als die 2 grundlegenden Vorgänge dieser Revolution : Das Suchen nach Bindung, welches das Suchen nach Freiheit ablöst, und das Suchen nach Ganzheit , Einheit, welches von allen zweiteilungen und Spaltungen wegstrebt. » (Traduction : « Le poète nomme ici comme les deux processus principaux de la révolution, la recherche du lien qui succède à la recherche de la liberté et la recherche de la totalité, de l’unité qui cherche à nous éloigner des scissions et des divisions ».

    Un dossier complet sur la KR.


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    […] de l’éducation grecque, l’histoire du Saint Empire romain germanique ou encore la Révolution conservatrice de l’entre-deux-guerres suffit pour être digne d’intérêt pour […]


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    […] https://integralisme-organique.com/2020/10/la-revolution-conservatrice-un-mouvement-oublie-de-lhisto… […]


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