Consécrations épiscopales traditionalistes : les deux lignées du Calice et leurs légitimités rivales

Vainqueurs et vaincus de la succession apostolique postconciliaire, de Lefebvre à Thục, mutations épiscopales d’une Église en déshérence, sept décennies d’ordinations clandestines et de ruptures doctrinales.

🕯️ Face à face : deux  deux conceptions de l’interrègne ecclesial, deux destinées du sacerdoce traditionaliste. ⛪

⁂ 𝔄rène du Calice fragmenté ?

Ô lecteur, l’histoire de la Tradition catholique romaine depuis l’inique Vatican II demeure celle d’une dure succession apostolique. Armée ici d’une dualité d’ordinations et de légitimités que nul compromis n’a pu réduire.

• D’un côté, Mgr Marcel Lefebvre, fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, qui consacra quatre évêques en 1988 à Écône, invoquant l’« état de nécessité » et la « prudence », face au naufrage de l’Église dite conciliaire.
• De l’autre, Mgr Pierre Martin Ngô Đình Thục, héritier de l’Indochine et des Empires, qui multiplia dès 1976 des consécrations relativement massives, convaincues de la vacance partielle ou totale du Siège apostolique et forgeant ainsi l’éparpillement de chapelles sédévacantistes sur quatre continents.

Durant cinquante années, ces deux lignées ont esquissé deux trajectoires à la fois similaires et hostiles :

• l’une, dite lefebvriste, demeure structurée, espérant discrètement une régularisation romaine ;
• l’autre, thučienne, s’est fragmentée en phalange disparate, impatronisant le catholicisme traditionnel en terres saxonnes, aztèques et lusitaniennes, sans espoir ni désir de réconciliation avec l’occupant du Vatican.

Cet article arpente les arcanes de ces deux lignes de consécrations, chapitre après chapitre, décennie par décennie, du jour où Lefebvre brisa « l’obéissance pontificale antimoderniste » à celui où Mgr Richard Williamson, lequel perpétue son héritage en terres essentiellement celtiques et slaves. Lexique martial en main, nous forgerons une compréhension doctrinale de ces ordo episcoporum d’une Eglise réduite au petit nombre, décèlerons les motifs théologiques sous-jacents et discernerons les enjeux ecclésiologiques qui divisèrent le monde traditionnel, potentiellement en deux univers.

P.S Découvrir le tableau des scénarios traditionnels par M. Griff Ruby & Les passerelles possibles entre les Mgrs Thuc et Lefebvre

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☧ 𝔏exique martial

Ce cordage terminologique forge les concepts clefs des deux lignées :

SUCCESSION APOSTOLIQUE (formule canonique), féminin. Droit canon : transmission ininterrompue de l’autorité sacramentelle et magistérielle du Corps des apôtres jusqu’aux évêques contemporains, par imposition des mains et continuité épiscopale, selon la doctrine eschatologique de l’Église ; chez les traditionalistes, point d’achoppement majeur quant à la validité de la consécration postconciliaire — CNRTL / Droit canon de l’Église latine, Codex Iuris Canonici.

ÉTAT DE NÉCESSITÉ (notion théologique), masculin. Ecclésiologie : circonstance exceptionnelle où l’accomplissement d’une action ordinairement soumise à l’autorité légitime devient licite sans son assentiment, lorsque ladite autorité défaille et que le bien commun l’exige ; doctrine invoquée par Mgr Lefebvre en 1988 pour justifier les consécrations sans mandat romain — Somme théologique, Saint Thomas d’Aquin, II-II, qu. 64, a. 7.

SÉDÉVACANTISME (doctrine ecclésiologique), masculin. Ecclésiologie traditionaliste : mot vulgarisant d’une thèse affirmant la vacance totale du Siège apostolique depuis la mort de Pie XII (1958) ou depuis Jean XXIII, les pontifes postconciliaires étant tenus pour hérétiques pertinaces ou faux papes sans titre légitime ; doctrine-mère de la lignée Thục et de ses ramifications — sources : Istituto Mater Boni Consilii, bulletins sédévacantistes français.

SÉDÉPRIVATIONNISME (doctrine ecclésiologique), masculin. Ecclésiologie traditionaliste, thèse de Cassiciacum : affirmation selon laquelle le pontife régnant possède l’autorité matérielle du siège (potestas) mais en est privé formellement (carentia formalis) en raison d’hérésie ou d’erreur doctrinale grave, du fait qu’il n’adhere point à la Tradition ; doctrine médiane entre la communion lefebvriste et le sédévacantisme strict — sources : Cassiciacum, Mgr Michel-Louis Guérard des Lauriers, OP.

ORDO EPISCOPORUM (formule latine), masculin. Ecclésiologie : corps organisé ou lignée épiscopale ; terme employé ici pour désigner chacune des deux généalogies apostoliques (celle de Lefebvre et celle de Thục) — Lexique ecclésiologique traditionnel.

ᛟ 𝔄ncienne école

Sentences d’autorité, sagesse éprouvée du siècle des Empires.

« La successione non si interrompe. » (La succession ne s’interrompt point.)
— Mgr Marcel Lefebvre, fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, Lettre du 30 juin 1988 justifiant les consécrations d’Écône, [Institut du Bon Conseil, archives traditionelles].

« Nous tenons à affirmer que cet acte n’est pas schismatique, car nous ne nous séparons pas de l’Église romaine mais de ceux qui l’ont abandonnée. »
— Mgr Marcel Lefebvre, Déclaration du 30 juin 1988, [Archives FSSPX, Écône].

« L’hérésie du Concile et de la « nouvelle messe » s’oppose à la Tradition immémoriale ; face à cette apostasie formelle, la consécration d’évêques devient acte de conservation, non de rébellion. »
— Mgr Pierre Martin Ngô Đình Thục, Justification théologique des consécrations palmaristes (1976), [Archives Palmar de Troya, Séville].

Σ 𝔓lan d’attaque

Enchaînement logique des manches en deux tableaux et par décennies : deux lignées, parfois en guerre froide, doctrine contre doctrine, géographie contre géographie.

Résumé non complet mais exhaustif :
i. 🕯️ De Mgr Lefebvre au Calice (1988)
ii. ⛪ Éparpillement Thục (1976–1991)
iii. 🔗 Ramifications (1990–2015) et ⚔️ Consolidation finale (2015–2024) : Williamson, Sanborn et les derniers bastions, etc.

Tableau I — Lignée de Mgr Marcel Lefebvre

Décennie 1980

Décennie 1990

Décennie 2010

Décennie 2020

-*-

Tableau II — Lignée de Mgr Pierre Martin Ngô Đình Thục

Décennie 1970

Décennie 1980

Décennie 1990

Décennie 2000

Décennie 2010

Décennie 2020

☩ ℭoup de grâce

• La voie lefebvriste, de son côté, se voulait fidèle à la Tradition tout en conservant l’ambition d’une possible régularisation romaine ;
• De l’autre côté, la voie sédé-vacante, voulait affirmer la vacance de la chaire de Pierre et la « plénitude autonome » de l’autorité épiscopale. Rarement, ces trajectoires parallèles n’ont convergé.

Cinquante années séparent la première consécration Thục (11 janvier 1976) de la consolidation finale des lignées Williamson-Sanborn (2022–2024).

La disparition, en octobre 2024, de Mgr Bernard Tissier de Mallerais – l’une des quatre « colonnades » sacrées en 1988 – marque la clôture d’une époque. Ne subsistent plus, de la génération originelle, que Bernard Fellay et Alfonso de Galarreta.

Nonobstant, la « Résistance » williamsonienne, les consécrations successives thuciennes opérées par Mgrs Sanborn et Da Silva, les chaînes et autres ramifications continuent de proliférer, tissant à travers le monde un réseau efflorescent de petites églises apostoliques, chacune revendiquant légitimité épiscopale incontestable, mais selon ses propres critères.

Loin de toute unification, le catholicisme traditionnel s’est morcelé en une constellation d’empires ecclésiologiques minuscules, chaque lignée tenant souvent pour « nulle » la précédente et n’authentifiant que sa propre succession.

Ironie tragique : là où Pie XII avait su maintenir l’unité de la Tradition sous la Rome magistérielle, Vatican II et le modernisme ont dissous la visibilité apostolique en myriades, parfois concurrentes, disputant jusqu’à l’essence du vrai Magistère. Ni Lefebvre ni Thục n’imaginaient cette extrémité. Ce sont pourtant cinquante ans d’apostolats et de rivalités successives qui l’ont engendrée.

À retenir

• La bifurcation de 1988
• Prolifération versus modération
• Ramifications dissidentes
• Nulle convergence doctrinale ni volonté de dialogue épiscopal
• La fin d’une génération…
• Géographie contrastée : FSSPX et IMBC sont judicieusement centrés en Europe, avec rayonnement international ; la succession Thục se diffuse précocement en Espagne, Mexique, États-Unis, Brésil, Allemagne, Italie, Pologne, puis sédentarise localement, entre mondes hispanophones et anglophones prioritairement.

📚 Pour approfondir

• « L’éclipse de l’Église » (1958-1976) : vacance, survivance et fidélité du petit reste ?
• Un Siège romain actuellement plus occupé que vacant ?
• L’union des évêques traditionnels, ou l’appel de Spokane — Mgr Mark Anthony Pivarunas, le Best (CMRI)

• • Archives personnelles de Mgr Lefebvre (Écône) : [Les archives Ecône – arbido.ch]arbido​

  • Présentation officielle FSSPX, documents lefebvristes : [La Porte Latine – laportelatine.org]laportelatine​

  • Chronologie FSSPX et État de nécessité 1988 : [Ouest-France Chronologie FSSPX]ouest-france​

  • Biographie Mgr Pierre Roy : [Mission Notre-Dame-de-Joie – latinmassmaritimes.org]latinmassmaritimes​

  • Sermons, écrits de Mgr Williamson : [Le Sel de la Terre Williamson] · [Le procès Williamson – chire.fr]seldelaterre+1​

  • Œuvres du Père Guérard des Lauriers OP : [Guérard des Lauriers – Wikipédia] · [Théologie du sacrifice – hommenouveau.fr]wikipedia+1​

  • Archives Institut Mater Boni Consilii, sédéprivationnisme : · [Sodalitium]wikipedia​

  • Généalogie du sédévacantisme : [Sédévacantisme – Wikipédia]wikipedia​

  • Succession Sanborn–Selway–Fliess (Most Holy Trinity Seminary) : novusordowatch+1​

  • Jean Madiran, Le Bélier, archives : [JSTOR Le Bélier]jstor​

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— La Rédaction

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