• Yvain, le chevalier au lion : un chef-d’œuvre du roman courtois



    Chrétien de Troyes : le père du roman arthurien

  • Préambule :

    Aux amateurs de jeux vidéo d’ambiance médiévale comme il en existe pléthore, voici une lecture bien plus noble et enrichissante ! Oubliez les pixels et plongez dans une prose où l’aventure, la chevalerie chrétienne et la quête de soi se déploient avec une puissance évocatrice inégalée.

    Chrétien de Troyes, écrivain du XIIème siècle, est l’un des tout premiers à nous offrir ce que nous appelons aujourd’hui le roman. Son Yvain, le chevalier au lion est une véritable plongée dans l’univers des preux, où honneur, fidélité et bravoure s’incarnent dans un récit aussi palpitant que symbolique.

    Le terme « roman » provient du latin romanice, qui désignait la langue vernaculaire utilisée pour narrer des histoires, par opposition au latin savant.
    Dès le Moyen Âge, le mot s’est imposé pour qualifier des récits narratifs, souvent épiques et chevaleresques, qui mettaient en scène des aventures mythifiées, notamment celles de rois légendaires. Par exemple, les œuvres arthuriques ou le « Roman de Brut » illustrent ce mode de narration, où le roi et ses exploits sont enveloppés de mystère, de symbolisme et d’idéal chevaleresque. Ces récits avaient pour but de transmettre des valeurs, de célébrer un passé glorieux et d’évoquer la noblesse d’âme à travers des péripéties mythifiées et souvent embellies par la tradition orale.

    Sommaire :

    I. Chrétien de Troyes et la naissance du roman médiéval
    II. Yvain, un roman d’exploits et de courtoisie
    III. « Symbolisme et initiation » du héros
    IV. Un récit vivant, entre aventure et morale
    V. Extraits et style : l’art de Chrétien de Troyes

    I. Chrétien de Troyes et la naissance du roman médiéval

    Chrétien de Troyes est l’un des pères fondateurs de la littérature française. Il écrit dans un vieux français, se distinguant, au XIIème siècle, du latin dans les œuvres littéraires, certes toujours romanes/néo-romanes.

    Son génie réside dans sa capacité à mêler l’héritage celtique des légendes bretonnes à l’idéal chevaleresque de la cour de France, avec un Midi rattaché aux Francs, avec ses troubadours ! C’est ainsi qu’il popularise des récits comme Perceval ou le conte du Graal, Lancelot ou le chevalier à la charrette, et bien sûr, Yvain, le chevalier au lion.

    Ce dernier roman, écrit entre 1176 et 1181, se distingue par son équilibre entre action, amour courtois et autre réflexion morale.

    II. Yvain, un roman d’exploits et de courtoisie

    L’histoire suit messire Yvain, chevalier de la Table Ronde, dans ses aventures chevaleresques. Après avoir vengé un affront en terrassant le seigneur Esclados devant une « fontaine magique », il tombe amoureux de la veuve de celui-ci, Dame Laudine. Grâce à l’entremise de sa servante Lunete, il obtient sa main et devient seigneur du château de la fontaine.

    Mais, en bon chevalier, Yvain ne peut résister à l’appel de la gloire et quitte sa dame pour partir en quête d’exploits. Hélas, en oubliant l’échéance qu’il s’était fixé pour revenir, il perd l’amour de Laudine, trahi par son propre orgueil…

    Le récit suit alors son sa petite rédemption, où il devra regagner son honneur et retrouver l’amour de sa dame.

    III. « Symbolisme et initiation » du héros

    Yvain, le chevalier au lion ne se résume pas à un simple récit d’aventure. Chaque épreuve est porteuse de symboles profonds, propres à la « mentalité » médiévale.

    • Le lion : fidèle compagnon d’Yvain, il représente la noblesse et la loyauté. En le sauvant, le héros prouve qu’il est digne d’un code d’honneur chevaleresque véritable, bien plus que dans ses combats.
    • La fontaine magique : elle met à l’épreuve le courage des chevaliers et révèle la valeur des hommes qui s’y présentent.
    • L’anneau enchanté : il donne à Yvain le pouvoir de se rendre invisible, mais souligne aussi le pouvoir de la ruse et de l’intelligence, qui ne doivent pas être dissociés de la force brute.

    Nous sommes face à un genre de quête initiatique, où le héros troque sa gloire personnelle pour une mission plus noble : aider les plus faibles, restaurer la justice et, malgré ses défauts et faiblesses, apprendre l’humilité.

    IV. Un récit vivant, entre aventure et morale

    Le style de Chrétien de Troyes ne se contente pas de dérouler une intrigue, il crée une globale, avec une ambiance envoûtante, où les forêts sombres, les châteaux secrets, les tempêtes redoutables et les combats épiques se succèdent avec une fluidité remarquable.

    L’œuvre est imprégnée des valeurs chevaleresques des temsp médiévaux :

    • Courage et probité : Yvain est un guerrier intrépide, qui met sa vie en péril pour défendre la veuve et l’orphelin.
    • Honneur et fidélité (comme dans la SS !) : il ne peut espérer retrouver l’amour de Laudine qu’en redevenant un homme digne, grand thème du fin’amor.
    • Courtoisie et amour courtois : le roman met en avant une vision médiévale de l’amour où l’homme doit se montrer digne de la femme aimée.

    Dans cette vision du monde, la femme ne subit pas non plus : elle choisit et récompense le chevalier qui prouve sa valeur, lequel a mis sa force et sa vertu au service d’un Bien supérieur. C’est un idéal qui tranche avec les caricatures modernes d’une société médiévale brutale et primitive – alors que nos temps sont bien plus violents en réalité, là où le manque de fidélité et l’avortement font rages.

    V. Extraits et style : l’art de Chrétien de Troyes

    Le roman est traversé de passages où action et réflexion s’entremêlent.

    Valeur et honneur :

    « Il est hardi celui qui ose se vanter d’exploit dont il n’a témoignage. Entre le mauvais et le preux il y a grande différence : le mauvais homme, devant le danger, parle de lui avec grandes paroles. Il prend tous les gens pour des sots. Mais le preux serait bien fâché d’entendre célébrer par autrui les prouesses qui furent siennes. Pourtant j’accorde au méchant que de se vanter il n’a tort. S’il ne se loue, qui le louera ? »

    Courage et sacrifice :

    « Oui, m’est avis qu’homme courtois mort vaut mieux que vilain en vie ! »

    « Lorsque Yvain, parcourant les bois de Brocéliande, aperçut le lion luttant contre la fureur d’un serpent venimeux, son cœur se gonfla d’une compassion sincère. Sans hésiter, il se jeta dans la mêlée, affrontant l’adversaire redoutable afin de délivrer l’animal. Aussitôt le danger écarté, le lion, dans un geste empreint de reconnaissance, se précipita sur ses pieds et se fit le fidèle compagnon du preux, scellant ainsi un lien d’allégeance qui allait traverser toutes ses aventures. »

    Rencontre avec la fontaine et le lion :

    « La pucelle qui s’épouvante commence à pleurer très fort. Elle prie Yvain de demeurer. Au nom de Dieu et de la reine glorieuse du ciel, au nom des anges elle le prie qu’il attend encore un petit moment. »

    Registre prodige/mystique :

    « Si avec le bassin tu veux prendre de l’eau et la répandre sur la pierre, alors tu verras une telle tempête que dans ce bois ne restera nulle bête ; car tu verras tomber la foudre, les arbres se briser, la pluie s’abattre, mêlée de tonnerre et d’éclairs… »

    Registre de la gloire du combattant :

    « Or, dit à Léon, qu’il avoir dompté par tant de hardiesse… »

    « Ai-je aultre chose que feindre le combat pour honorer mon nom ? »

    Quatrième de couverture :

    « Yvain ou Le chevalier au lion est un roman chevaleresque écrit par Chrétien de Troyes. L’histoire raconte les aventures de Yvain, un jeune chevalier, qui relève un défi et se retrouve dans des contrées mystérieuses où il affronte des dangers et accomplit des exploits. »

    Ces extraits témoignent d’une grande richesse linguistique, où l’alexandrin médiéval se mêle à un sens du rythme et de la narration encore inégalé.

    Conclusion : une lecture essentielle

    Loin de n’être qu’un simple récit de chevalerie, Yvain, le chevalier au lion reste une œuvre majeure qui combine aventure, symbolisme et réflexion morale.
    Loin des œuvres fades et dévirilisées d’aujourd’hui, cette littérature met en scène des hommes preux et des femmes subtiles. Il célèbre le dépassement de soi, l’honneur, et la justice, le tout dans un univers où le sacré n’est jamais absent.

    Avertissement - Dans la lignées des grandes œuvres européennes, nous retrouverons ici également du Homère, de la gloire antique chez lui. Et si certains, comme les fidèles lecteurs d'Étienne Couvert, voient en toute littérature médiévale chrétienne, une œuvre teintée de « gnose » - alors il ne faudrait plus lire ni Dante, ni les troubadours, ni même Chrétien de Troyes, car cela relèverait de l'hérésie littéraire ! -, il ne s'agit au final que de nous faire rêver un peu sans trop abuser ; bien que tout roman porte souvent un aspect "initiatique", mais disons que les prodiges ne sont pas à prendre au premier degré !

    Si vous cherchez un texte médiéval à lire, n’hésitez plus. Vous en sortirez grandi !

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