• Tu seras maudit de la face du monde – Jacynthe



    Hommage à Stéphane Blet

  • Tu seras maudit de la face du monde
    Hommage à Stéphane Blet

    La musique libère, la vraie, la bonne, celle qui rapproche l’âme de Dieu.

    A l’occasion de sa mort tragique au début du mois de janvier, j’ai découvert le talent de Stéphane Blet, sa façon poignante qu’il avait de mettre son cœur dans son piano, de faire des enregistrements si pleins d’émotion qu’ils vous touchent à distance.

    Son jeu tellement limpide, clair et passionné m’a émue. Rare sont les pianistes qui peuvent m’émouvoir autant par le biais d’un enregistrement posté sur YouTube.

    Ses vidéos font quelques milliers de vues, à peine. C’est une pitié pour un musicien de ce niveau, il suffit de voir le succès incroyable des vidéos de pianistes concertistes comme Evgeny Kissin, Daniil Trifonov ou de Valentina Lisitsa qui font des centaines de milliers voire des millions de vues YouTube. Des musiciens qui sont en concert dans le monde entier, sur toutes les scènes internationales.

    Pourtant, le talent, l’expressivité incroyable de Stéphane Blet lui auraient mérité une place à part parmi les grands interprètes du piano. Par la pureté de son jeu, il rappelle la grande Clara Haskil, et démolit dans ses Liszt les interprétations bousculées bien que virtuoses de Valentina Lisitsa.

    Les puristes critiqueront peut-être son interprétation de Mozart qu’ils disent trop romantique à leur goût. Qu’ils aillent crever de jalousie, moi elle me transporte, si limpide et si pleine d’émotion contenue.

    Pour un musicien, jouer, c’est la vie. Jouer devant un public, c’est la vie. C’est l’aboutissement de tant et tant d’heures de travail, c’est le trac et une décharge d’adrénaline qui court dans les veines, c’est  la communion avec la salle, c’est l’extase d’un passage particulièrement brillant. Ce sont les petites erreurs rattrapées avec aisance, le plaisir infini de créer la beauté sous ses doigts.  C’est partager la musique, et la musique est faite pour être partagée.

    On a retiré ce plaisir à Stéphane Blet.

    On l’a exclu des scènes internationales où il se produisait, on lui a retiré son titre de Chevalier des Arts et des Lettres, on l’a privé de sa vie, lui sur qui les critiques ne tarissaient pas d’éloges.

     Il suffit de lire sa page Wikipédia qui est plus qu’éloquente. Jeune assistant du génial Vladimir Horowitz, concertiste à 17 ans, bissé trente minutes (!) lors d’un concert un an plus tard, son premier disque à 19 ans consacré au compositeur Franz Liszt, pianiste de l’année en 2007, « roi du clavier » selon le magazine Marianne, professeur à l’Ecole Normale de musique de Paris, vice président pendant vingt-cinq ans de l’Académie du disque lyrique. Un compositeur aussi puisqu’il compose près de 300 œuvres, essentiellement pour piano.

    Parce qu’il était droit et qu’il a osé tenir ses convictions avec sa fougue d’artiste un peu maladroite, on l’a brisé, renié, contraint à l’exil, et petit à petit on l’a privé de concert, et de sa vie, totalement, inexorablement.

     « Stéphane Blet, c’est plus que du simple piano, c’est la musique elle-même »

    Pierre Petit, critique musical.

    « De son corps à corps avec l’œuvre naît une superbe architecture, scandée tour à tour par la majesté et le lyrisme le plus intense. Et quelle sonorité ! […] On apprécie le véritable musicien et sa merveilleuse compréhension de l’œuvre […] on oublie tout pour s’adonner à l’émotion… c’est l’état de grâce ! »

    André Boucourechliev, compositeur, critique et musicographe.

    « Une technique stupéfiante et le plus beau son de piano ».

    Carlo Maria Giulini, chef d’orchestre.

    C’est à en être dégoûté.

    Tout l’art et le talent magique d’un homme au cœur droit ne vaut donc rien si cet homme ne professe pas aussi la doxa ambiante, et s’il ne se couche pas, il est maudit de la face du monde.

    Dans une société saine, l’art doit servir le beau, le vrai, le talent et le génie doivent être bien utilisés et l’homme doit vivre en accord avec ses convictions. Ici, les vrais artistes sont méprisés, et on acclame plus volontiers ceux qui n’ont qu’un génie sans profondeur et sans cette âme solide capable de tout perdre plutôt que de se renier.

    Réminiscence et souvenir…

    Hubert Robert, dessinateur des jardins du Roi et peintre fut emprisonné par la maudite Révolution.

    Johannes Kepler, pourtant protestant, se réfugia chez les catholiques pour éviter les foudres de ses coreligionnaires.

    Le 7 janvier dernier, la France a perdu un de ses meilleurs artistes, si ce n’est son plus grand pianiste.

    Mais pourquoi s’étonner ? Ce n’est que logique, c’est leur logique révolutionnaire et destructrice poussée jusqu’au bout. Soyons fiers d’être des parias ! Si le système ne veut pas de nous, nous ne pouvons nous plaindre. Un prisonnier sait qu’il n’a rien à attendre de son bourreau et cette certitude l’aide à supporter mentalement sa captivité en ne se créant pas de faux espoirs.

    Alors… pour le Christ-Roi continuons de vivre.

    Que l’âme de Stéphane Blet repose en paix.

    Jacynthe. #Musique


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