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Ce poème mérite d’être signalé ne serait-ce que par la référence qu’il invoque. Le titre est un clin d’œil évident à la formule de Jules César, remaniée à une différence près, c.-à-d. sur le dernier mot « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vécu ». Il n’est pas question de faire ici un éloge inconsidéré de la personne concernée ou de son œuvre complète, mais simplement de saluer un peu de cette bonne œuvre littérature que nous possédons ou que nous devons posséder.
Les philistins à la tête des administrations, ces bons à rien insensibles aux arts et aux lettres, devraient être en état de choc. Voilà un peu de lecture à transférer à ces cancres et à ces avortons qui prétendent gouverner alors qu’ils ne se gouvernent déjà pas eux-mêmes dans leurs vies foireuses respectives.
☧
J’ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Je marche, sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m’entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs ;Puisqu’au printemps, quand Dieu met la nature en fête,
J’assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ;
Puisque je suis à l’heure où l’homme fuit le jour ;
Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète ;Puisque l’espoir serein de mon âme est vaincu ;
Puisqu’en cette saison des parfums et des roses,
O ma fille ! j’aspire à l’ombre où tu reposes,
Puisque mon cœur est mort, j’ai bien assez vécu.Je n’ai pas refusé ma tâche sur la terre.
Mon sillon ? Le voilà. Ma gerbe ? La voici.
J’ai vécu souriant, toujours plus adouci,
Debout, mais incliné du côté du mystère.J’ai fait ce que j’ai pu ; j’ai servi, j’ai veillé,
Et j’ai vu bien souvent qu’on riait de ma peine.
Je me suis étonné d’être un objet de haine,
Ayant beaucoup souffert et beaucoup travaillé.Dans ce bagne terrestre où ne s’ouvre aucune aile,
Sans me plaindre, saignant, et tombant sur les mains,
Morne, épuisé, raillé par les forçats humains,
J’ai porté mon chaînon de la chaîne éternelle.Maintenant, mon regard ne s’ouvre qu’à demi ;
Je ne me tourne plus même quand on me nomme ;
Je suis plein de stupeur et d’ennui, comme un homme
Qui se lève avant l’aube et qui n’a pas dormi.Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse,
Répondre à l’envieux dont la bouche me nuit.
O seigneur ! ouvrez-moi les portes de la nuit
Afin que je m’en aille et que je disparaisse !« Veni, vidi, vixi », poème de Victor Hugo dans Les Contemplations, avril 1848.
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