• Charles Maurras défendu, Charles Maurras critiqué

  • Il me plaît de rebondir sur les différentes productions, non pas tant pour critiquer un tel ou un tel parce que l’effet polémique m’intéresse bien moins que de pouvoir propager des idées de fonds par ce biais. La critique sera donc double, elle concernera Maurras comme les intervenants des vidéos ci-dessous. Les deux interventions ne sont d’ailleurs pas décevantes, la première avec Henry de Lesquen tout comme la seconde avec Adrien Abauzit.

    Charles Maurras est utile incontestablement dans ses analyses qui font mouches sous forme de citations au milieu de la rédaction de ses milliers de pages (attention cependant, car certains de ses ouvrages sont mis à l’index de l’Église a raison). Ses carences philosophiques ont bien été démontées par l’auteur Joseph Merel au passage (auteur qui pèche plutôt par rapport à la question de la vacance du Saint-Siège). La grande erreur des jeunes militants d’Action française moderne est sans doute de le citer à tire-larigot telle une une Bible protestante indépassable via leur compte Twitter et leur militantisme quel qu’il soit. Il ne doit certainement pas être considéré comme un maître à pensée infaillible, car comme nous allons le voir : il a sa part chimérique.

     

    Accords : Monsieur de Lesquen est cultivé, sa culture historique à propos de la France et de la royauté lui fait dire des choses tout à fait juste, on regrettera cependant la lorgnette révolutionnario-républicaine dans le sens de « 1789 » pour critiquer le maître de l’Action française. J’avoue qu’à certains moments mes à priori se sont dissipés. Il est bon de sa part de rappeler la contradiction de son engagement auprès du Maréchal Petain « républicain », ou encore sur l’imprécision des « états confédérés », quoiqu’il est vrai que si communautés et réseaux sont deux choses différentes, ces communautés s’organisent en réseaux de façon toute naturelle. Je soulignerai que, quand bien même Maurras refusait le terme de doctrinaire il l’était que cela lui plaise ou non !

    Henry vise juste sur la très vantée « monarchie obligatoire » et ses arguments faits d’apriori qui sont loin d’être invincibles. Son nationalisme intégral est en réalité un royalisme dynastique orléaniste (ni nationaliste, ni intégraliste). Et un roi ne sort pas tout droit d’un manga il n’est jamais irréprochable, et n’a pas forcément les résolutions à tous les problèmes (immigration, robotisation, écologie, patriotisme, foi, etc). De même, l’idée d’une sorte de royauté temporelle éternellement bonne de la Genèse à l’Apocalypse voila qui est une vaste fumisterie. Juste aussi sur l’erreur de « l’empirisme organisateur », un constructivisme subjectif pseudo rationnel qui lui faisait conclure à côté de l’essentiel. En effet, une république dictatoriale éclairée n’est pas moins bonne qu’une royauté en déliquescence, c’est même le contraire (Rénovation : Théodose, Pétain, Salazar, Gacia Moreno/Déliquescence : Louis XVI, Charles X, Nicolas II, etc) ! Également, La forme du régime politique est comme un bocal vide à remplir de principe et de vertu. Une république peut-être plus ou moins autoritaire et une monarchie plus ou moins centralisée. Adrien Abauzit soulignera derrière cette distinction réaliste de l’esprit qui prime sur la forme des Institutions.

    Désaccords : En revanche le désaccord est profond avec de Lesquen par rapport à la souveraineté qui ne saurait relever du plébeisme (souveraineté populaire idolâtre), un bon État est l’émanation aristocratique d’un peuple et c’est là que se trouve la force politique directe, pas dans la populace qui prise comme ça n’est une masse informe à féconder telle une femelle. Le souverainisme par le bas est un sophisme doublé d’une hérésie, car non l’autorité ne se trouve pas dans les anges déchus, mais dans le Christ, elle part du haut pour mieux nourrir le bas et non l’inverse. Aussi, « Monsieur Henry » ne saurait se revendiquer de vraie droite, par ses références il incarne clairement l’origine de la gauche progressiste ayant posé les bases de la Constituante, il fait (anachroniquement) partie de ceux qui siègent à gauche du président à l’Assemblée d’origine. Ce serait chose risible que de le placer à droite, seule la confusion démocratique électorale actuelle peut le permettre. La pensée de droite est d’abord de penser que le réalisme existe en politique et que des réalités extérieures s’imposent à nous, là où la gauche est dans l’abstraction idéologique et romantique pure.

     

    https://www.youtube.com/watch?v=j2GfPUgzdpo&app=desktop

    Accords : Agréablement surprit car je pensais l’auteur bien plus maurrassien honnêtement. Encore une fois, parfait sur la distinction entre fond et forme d’un régime, on ne peut qu’être d’accord c’est le bon sens qui l’indique ! Le point de vue catholique ici me rapproche d’autant plus et me fait évidemment conclure les mêmes choses concernant les condamnations de l’Église, ou encore sur l’agnosticisme du vieux maître Charles qui va avoir ses graves limites qui font qu’il ne peut être du bon combat. Le Christ-Roi prime sur les nations c’est de première importance, de même que les mœurs priment sur la vie communautaire (la morale est au-dessus du groupe, autrement c’est l’aboutissement du sophisme du « vivre ensemble» cosmopolite et matérialiste).

    Désaccords : Seulement voilà, sans doute M. Abauzit partage-t-il avec Maurras plus de points communs qu’il ne le pense. D’abord le fait d’être franco-centré et « germanophobe ». Autant dire que si nationalisme veut dire donner raison systématiquement à son pays même quand il a tort; alors je ne suis pas nationaliste (en ce sens).

    Quoi-qu’évoqué très brièvement, je suis en désaccord concernant les deux expressions empruntées à Maurras. À savoir soutenir l’idée d’un « Pays réel » opposé à un « Pays légal » sous-entendu le peuple forcément opposé au gouvernement. Ce que reprend aussi Civitas de son côté (« Fête du pays réel »). Ce concept maurrassien est faux à la base car « On a, d’ordinaire, que l’autorité dont on est digne. » Abb” Bethléem. Dans notre situation, un État français joue contre sa population c’est vrai on le voit chaque semaine avec les Gilets jaunes et nous avons certes un État vicié par les sophismes et les coteries, cela dit il n’y a jamais d’opposition nette au regard de la situation avec le peuple qui est toujours complice à différentes échelles de ce qui lui arrive, autrement le régime ne se maintiendrait pas. Par exemple, une majorité de gens ont cru en la libération sexuelle de Mai 68, la révolte a ainsi abouti. Si les français méritaient beaucoup mieux la situation aurait déjà changé. De cette articulation un Trotsky disait vrai « La révolution c’est quand ceux d’en bas ne veulent plus et ceux d’en haut ne peuvent plus » (grosso modo). Peut être sommes-nous déjà entrés dans la seconde phase. Toujours est-il que ce sujet complexe ne saurait être réduit à une formule-choc populiste.

    Idem pour le terme « d’anti-France » c’est signifié que de manière figée la France est quelque chose et rien d’autre : or « fille aînée de l’Église » est un titre donné par l’Église en d’autres temps. Cette France actuelle est athée/apostate jusque dans son État comme dans sa population, et si la France se doit d’être fidèle à Dieu et à sa Création, c’est encore un autre sujet… Que « la République » (sic) s’incarne en France, on peut y voir une sorte sangsue pourquoi pas, mais c’est cette république qui entre dans l’essence de la société par la même, c’est elle qui agit, qui provoquent les répercutions qui se passent en France, qui font l’image de la France, pour le pire peut être, mais elle le fait. Et dans l’Ordre naturel il n’y a pas un don particulier tel que l’infaillibilité qui peut venir déposer un mauvais chef de l’État. En ce sens, on ne peut à proprement parler d’Anti-France. De plus, cette expression est désormais balancée à toutes les sauces si bien qu’on en distingue mal le concept.

    PS. Et Jacques Bainville, sans doute plaisant à la lecture, a fait une histoire de France naturaliste, où les pays étrangers voisins ont systématiquement tort (héritage du gallicanisme capétien oblige ? #AF).

     

    https://www.youtube.com/watch?v=eCPYCexu7XQ

    Pour terminer, voici une conférence sur le nationalisme français lors de laquelle je faisais déjà le tri à l’époque question maurrassisme. Je changerai sensiblement le propos depuis, mais peu importe. C’est à partir de la 37ème minute.


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