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Publié le par Florian Rouanet
Quand l’histoire se plie aux rêves mythiques des dynasties : une filiation biblique hautement contestable Un papier qui s’annonce piquant en direct d’une Gaulle littéralement judaïsée !
Préambule :
Suite à des échanges avec des frères catholiques et européens, nous nous devions de remettre un coup de pied dans cette fourmilière royalisto-centrée, hélas.
Cette judaïsation paradoxale de notre histoire, selon laquelle les rois de France descendraient du roi David, relève d’une construction intellectuelle tardive qui ne résiste pas à l’analyse historique rigoureuse.
En examinant des aspects certains des thèses d’André Le Sage dit le Marquis, alias de la Franche-rigolade, poursuivons ici, en mettant en lumière de nouveau « sa folie » et les contradictions dans son œuvre, notamment celle Ascendances davidiques des Rois de France.
Cette théorie inexacte et surnaturaliste, nourrit dans le pire des cas un certain récentisme, allant jusqu’à nier l’existence de Charlemagne, ou, à l’inverse, un complotisme à tendance chrétienne qui reconnaît son existence, mais pour mieux le dépeindre comme un ésotériste proto-franc-maçon. Ces dérives témoignent d’une volonté de tordre l’histoire afin de la faire correspondre à des grilles de lecture anachroniques et idéologisées.
Decouvrez, en fin d’article, nos principaux précédents papiers contre cette fausse conception de la France, ainsi que ses sujets connexes.

Vous reprendrez bien une tranche de Charlemagnovinstein, roi des gallo-hébreux ?!
Sommaire :
I. Une aristocratie française « consanguine », mais nullement mystique
II. Trois dynasties distinctes, trois origines différentes
III. Le fantasme des lignées : une mode ancienne
IV. L’exagération de la « sainteté de Charlemagne »
V. « Fille aînée de l’Église » : une titulature de service rendu, non intemporelle
VI. De la légitimité du chef politique : non la lignée, mais l’aptitude à ordonner vers le Bien commun
I. Une aristocratie française « consanguine », mais nullement mystique
Que certaines familles nobles françaises partagent un sang commun sur plusieurs générations reste un fait historique.
Dans les temps jadis, cette concentration des unions au sein d’un même cercle familial/social a effectivement préservé des lignées sur des siècles et notamment dans les maisons princières européennes. Toutefois, en faire une « lignée mystique presque dogmatique » reliant « Clovis à Charles X » dépasse les limites du raisonnable.« L’auteur se fonde sur différentes prophéties pour établir une généalogie des rois de France qui tirerait son origine du Roi David.
« A vous lire, on se trouve comme transporté, sans effort, sur ce que j’appellerai l’un des sommets culminants du « Plan de Dieu », de Ses desseins sur la France et dont la finalité suprême porte non seulement sur la Vocation, proprement dite, de notre Patrie selon les vues de Dieu, mais aussi et principalement sur la Personne de ses Chefs : les Rois de France, dont la filiation remonterait au Roi David, établissant ainsi un lien de parenté entre les Rois et Notre-Seigneur Jésus-Christ et, du même coup, avec la Très Sainte Vierge Marie. »Dans l’ouvrage cité en préambule, l’auteur avance une filiation reliant les rois mérovingiens, carolingiens et capétiens au roi David à travers des prophéties et des rapprochements discutables. Pourtant, cette prétendue continuité n’a jamais été établie sur des bases scientifiques et se heurte à l’absence totale de documents prouvant une ascendance hébraïque pour ces rois issus, pour l’essentiel, de la noblesse franque ou de la haute aristocratie gallo-romaine.
II. Trois dynasties distinctes, trois origines différentes
Les rois de France ne forment pas non plus une unique lignée continue, remontant à un patriarche commun, et encore moins au David de l’Ancien Testament.
- Les Mérovingiens : Ils trouvent leur origine dans l’aristocratie franque (bas-francisque) du Ve siècle, issue des chefs germaniques (partant d’Europe central) établis en Gaule. Leur généalogie repose sur des traditions orales plus mythologiques qu’historiques, ayant d’abord des liens avec des dieux païens plutôt qu’avec la maison de David – mdr.
- Les Carolingiens : Ils ne descendent pas des Mérovingiens, mais d’un lignage aristocratique distinct, celui de Pépin de Herstal et de son fils Charles Martel, plus précisément d’ascendance franque et bavaroise.
- Les Capétiens : Hugues Capet, bien que descendant lointain des Carolingiens par les femmes, n’appartenait pas à la dynastie carolingienne mais à une nouvelle lignée féodale qui s’imposa à la fin du Xe siècle.
Et encore, nous vous épargnons les sous branches, telles que celle des Valois !
Ainsi, même au sein de la royauté française, la continuité dynastique n’est qu’une apparence : chaque famille a pris le trône par des moyens propres, souvent par la force ou par des alliances, et non par une prétendue transmission ininterrompue de la « lignée davidique ».
De même, leur pouvoir ne se légitime, par la suite, qu’en ordonnant la société vers le Bien commun, et non par l’appartenance à un sang précis, même s’il est admis que ce soit mieux de ne pas opérer une rupture ethnique brutale avec le « royaume ».
III. Le fantasme des lignées : une mode ancienne
L’idée que des chefs d’État ou des dynasties puissent revendiquer des origines prestigieuses n’est pas nouvelle. À l’époque antique et classique romaine, déjà, divers empereurs cherchaient à rattacher leur ascendance aux Grecs lorsque cette filiation était valorisée, nous dirions aujourd’hui « à la mode ».
- Alexandre Sévère prétendait descendre de l’aristocratie grecque pour asseoir son pouvoir.
- Les empereurs de Byzance se disaient héritiers de Rome et du sang de Constantin, qu’ils ont par ailleurs canonisé (une distinction entre catholiques et schismatiques orientaux).
- Charlemagne, lui-même, sans aller jusqu’à une origine hébraïque, se faisait volontiers attribuer une filiation troyenne (référence glorieuse à Homer) dans les légendes impériales, mais cela avait un but probablement davantage « littéraire ».
Ainsi, vouloir faire des rois de France des descendants de David relève du même processus d’instrumentalisation politico-historique visant à donner une légitimité sacrée à des lignées humaines.
IV. L’exagération de la « sainteté de Charlemagne » ?
L’orthodoxie du « marquis » laisse également à désirer ici, partant davantage dans des délires personnels non pas basés sur des éléments inexistants, mais sur de mauvais éléments.
Dans la même logique que les surnaturalistes qui veulent faire des rois de France des descendants directs du roi David, certains exagèrent la prétendue sainteté de l’Empereur Charlemagne selon leurs vues propres.
Et ce phénomène ne relève ni d’une analyse rigoureuse de l’histoire ni d’une vision post-républicaine et laïque hostile à l’empereur, mais bien d’une déformation idéologique cherchant à sacraliser son règne au-delà des faits établis.
En effet, Charlemagne n’a jamais été canonisé par l’Église catholique dans le cadre d’une procédure formelle et universelle. S’il est vénéré localement comme bienheureux ou saint, notamment à Aix-la-Chapelle où il est fêté le 28 janvier, cela relève d’un culte particulier (probablement douteux) et non d’une reconnaissance universelle.
L’élément historique clef est que Charlemagne a été « canonisé » en 1165 par l’antipape Pascal III, sous l’influence de l’empereur Frédéric Barberousse, en déboire avec l’Église, et lequel cherchait avant tout à renforcer son pouvoir, en s’inscrivant dans la continuité de l’Empire carolingien.
Ainsi, si Charlemagne a marqué l’histoire chrétienne par son rôle dans la défense de la foi et l’expansion de la chrétienté en Europe, par rapport au monde islamique, comme le souligne Henri Pirenne : il est abusif de le considérer comme un saint au sens strict du terme et encore moins de le hisser au rang d’une figure quasi mystique par des interprétations anachroniques, judaïsantes ou non….
Cela, même si nous reconnaissons toutefois qu’un culte existe et qu’il n’est pas à mépriser d’un revers de main non plus, à l’instar de Benoit XIV, sainte Jeanne d’Arc ou encore Dom Guéranger.
V. « Fille aînée de l’Église » : une titulature de service rendu, non intemporelle
Enfin, il faut rappeler que la France, ou le royaume des Francs, n’a pas été la première nation chrétienne. Avant elle, Rome, l’Éthiopie et l’Arménie furent évangélisées et converties (publiquement, soit au niveau gouvernemental) au christianisme, bien avant le baptême de Clovis de 496. Et ce, bien que les deux nations orientales/africaines susnommés aient apostasiées après coup.
Et l’expression honorifique de « fille aînée de l’Église », n’est pas un titre d’honneur éternel et intemporel. Lorsque nous sommes régentés par saint Louis c’est acceptable, mais non dans une France macronniste LGBTo-maçonnique… ; il s’agit d’une reconnaissance objective pour les services rendus à l’Église. Cela ne fut pas non plus attribué en raison d’une quelconque ascendance biblique ! Ou alors, et à la limite, aussi, le poids de son histoire dans ce service rendu.
VI. De la légitimité du chef politique : non la lignée, mais l’aptitude à ordonner vers le Bien commun
Un thomiste conséquent défend que la légitimité du pouvoir politique repose principalement sur son aptitude à ordonner la société vers le bien commun, plutôt que sur la seule transmission héréditaire du pouvoir. Car saint Thomas d’Aquin enseigne les choses suivantes :
« L’homme est naturellement un animal politique, vivant en société. Mais une multitude ne saurait subsister si elle n’était dirigée vers un but unique. Il est donc nécessaire qu’il y ait dans la multitude quelque chose qui la gouverne. » (De Regno, I, 1)
« Le gouvernement est juste quand il est ordonné au bien commun ; il est injuste quand il vise l’intérêt privé de celui qui gouverne. » (Summa Theologiae, I-II, q. 90, a. 2)
« Le roi doit être appelé roi et non tyran lorsqu’il gouverne le peuple avec justice, cherchant l’utilité commune et non son propre intérêt. S’il en était autrement, ce ne serait pas un roi, mais un tyran. » (De Regno, I, 2)
« Si au contraire un roi dégénérait en tyran, il est légitime qu’il soit déposé, car un gouvernement tyrannique est contraire au bien commun. » (De Regno, I, 6)
« Il est avantageux qu’un pouvoir royal passe par succession, car les enfants du roi sont plus préparés au gouvernement et connaissent mieux les affaires du royaume. Toutefois, s’ils s’avéraient indignes, il serait juste qu’un autre leur soit préféré. » (Commentaire sur les Politiques d’Aristote, I, lect. 1)
Au demeurant, le saint pape Zacharie ayant accepté le coup d’État de Pepin le Bref contre les mérovingiens, lui a indiqué que la base de la légitimité politique est la réelle possession du pouvoir, et non l’appartenance à une famille. La succession dynastique normée est une organisation qualitative, car elle sécurise la monarchie en ne permettant quasiment aucune marge de manœuvre, ce qui éloigne les appétits. Mais ça n’est aucunement un absolu, vu que la base de la légitimité est dans la réelle possession du pouvoir et non dans un titre devenu fantoche
Brève conclusion :
Pour une analyse critique approfondie des travaux d’André Le Sage dit de La Franquerie, nous recommandons l’article d’Yves Chiron, historien ayant sérieusement examiné ces questions.
Lisez nos précédents papiers afin de savoir ce qu’il en est de l’expression « fille aînée de l’Église ».
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