• « Liberté d’expression » et Vérité révélée : peut-on donner droit à l’erreur ?



    Una Via erronée : fausse neutralité du débat d’idées

  • Les catholiques par rapport à M. Vincent Reynouard

    En reprenant la construction thomiste, que la revue Catholique sans concession a fait sienne dernièrement, nous traitons de la chose suivante :

    Loin de n’être qu’une simple formalité intellectuelle, la question de la liberté d’expression touche aux fondements mêmes de la vérité et de l’ordre moral. Depuis l’époque moderne, ce principe est exalté comme une valeur absolue, inaliénable.
    Toutefois, une interrogation fondamentale demeure : cette liberté s’étend-elle au droit d’exprimer publiquement l’erreur, l’hérésie et le blasphème ? Ou bien doit-elle être subordonnée aux réalités naturelles, ainsi qu’à la vérité divine et à l’autorité de l’Église catholique ?

    I. Status quaestionis… (« STATUT DE LA QUESTION… »)

    L’époque moderne, parce que dite démocratique et libérale notamment à l’américaine, exalte la « liberté d’expression » comme un principe fondamental, lui attribuant un caractère universel, arrasant, écrasant et inaliénable.

    Mais cette prétendue liberté inclut-elle un droit légitime à l’erreur, à l’hérésie, voire au blasphème ? Ce n’est pas une simple question de coexistence pacifique entre opinions divergentes, mais cela touche à la nature même de la Vérité et à l’autorité de l’Église dans l’ordre intellectuel et moral.

    Nous posons donc la question suivante :

    « La liberté d’expression inclut-elle le droit d’exprimer publiquement l’erreur et l’hérésie, ou bien doit-elle être subordonnée à la Vérité divine ? »

    II. VIDETUR QUOD… (« IL SEMBLE QUE… »)

    1. Videtur quod la liberté d’expression, entendue comme droit naturel, appartienne à l’homme en raison de sa dignité rationnelle. En effet, Aristote enseigne que « l’homme est un animal rationnel et politique » (homo animal rationale et politicum est), et que l’expression de la pensée est une manifestation propre à sa nature. Or, restreindre cette expression reviendrait à porter atteinte à cette dignité.
    2. Videtur quod la vérité triomphe d’elle-même dans le libre débat des idées. Saint Augustin écrit dans De Libero Arbitrio que « la vérité est semblable à la lumière : elle éclaire et dissipe les ténèbres ». Il semblerait donc que l’opposition d’idées soit bénéfique, car elle permettrait à la vérité de se manifester plus pleinement.
    3. Videtur quod refuser le droit d’expression à certaines opinions mènerait à un régime tyrannique où l’autorité deviendrait arbitraire. Jean de Salisbury (philosophe anglais du XIIème siècle), dans Policraticus, avertit que « l’autorité qui ne se fonde pas sur la raison devient tyrannique » (auctoritas quae non ratione nititur, tyrannica fit). Il semblerait donc préférable d’admettre la libre confrontation des pensées pour éviter l’arbitraire.

    III. SED CONTRA… (« MAIS AU CONTRAIRE… »)

    1. Sed contra, Notre Seigneur Jésus-Christ affirme : « Qui n’est pas avec Moi est contre Moi » (Qui non est mecum, contra me est — Matthieu 12,30). Or, tolérer l’expression publique de l’erreur revient à lui accorder une place égale à celle de la vérité, comme si elles étaient légitimement en concurrence.
    2. Sed contra, saint Paul exhorte les fidèles à « éviter les disputes de mots, qui ne servent qu’à la ruine de ceux qui écoutent » (devita profanas vocum novitates, et oppositiones falsi nominis scientiae — 1 Timothée 6, 20). Si le débat n’apporte qu’incertitude et trouble dans la foi, il ne peut être tenu pour un bien.
    3. Sed contra, saint Thomas d’Aquin enseigne que « l’hérésie est un péché qui corrompt la foi, laquelle est le fondement du salut » (haeresis est peccatum corrumpens fidem, quae est fundamentum salutisSumma Theologiae, II-II, q. 11, a. 3). Il s’ensuit que permettre sa diffusion publique constituerait un mal plus grand que la censure de l’erreur.

    IV. RESPONDEO DICENDUM QUOD… (« JE RÉPONDS QU’IL FAUT DIRE QUE… »)

    Il faut dire que la « liberté d’expression » n’a de légitimité que dans la mesure où elle est ordonnée au Bien, c’est-à-dire à la Vérité. Or, l’erreur, l’hérésie et le blasphème sont par essence contraires à cette fin. Ainsi, prétendre donner un « droit » à leur expression revient à subvertir l’ordre même du droit naturel et divin.

    1. La Vérité a un droit, mais l’erreur n’en a point
      Saint Augustin enseigne que « le mal n’a aucun droit » (malum nullum ius habet). Puisque l’erreur est une privation de la vérité, elle ne saurait prétendre à un statut juridique positif. L’affirmer reviendrait à considérer l’erreur comme un bien, ce qui est absurde.
    2. L’expression publique de l’erreur corrompt les âmes
      Saint Thomas d’Aquin affirme que « l’hérésie est pire que le meurtre, car elle tue l’âme » (haeresis peior est homicidio, quia occidit animamSumma Theologiae, II-II, q. 11, a. 3). Si l’on réprime le crime pour préserver l’ordre social, à plus forte raison doit-on restreindre l’hérésie qui menace le salut éternel.
    3. Le débat avec l’erreur ne conduit pas à la vérité, mais à la confusion
      L’histoire montre que les hérétiques ont toujours abusé du débat pour semer le doute dans l’esprit des fidèles. Le concile de Nicée (325) fut nécessaire pour mettre fin aux ravages de l’arianisme, précisément parce que l’on avait laissé cet enseignement pernicieux se répandre sans frein.

    V. AD PRIMA… (« À LA PREMIÈRE OBJECTION, JE RÉPONDS QUE… »)

    1. À la première objection, je réponds que l’homme est certes un être rationnel, mais que sa raison est affaiblie par le péché originel (ratio vulnerata est peccato). C’est pourquoi, il a besoin d’une autorité doctrinale infaillible pour le guider en matière de foi et de mœurs. La vraie liberté consiste non à dire ce que l’on veut (se faire esclave du faux), mais à adhérer au vrai.
    2. À la deuxième objection, je réponds que la vérité ne triomphe pas nécessairement du débat, car l’homme est sujet à l’illusion et à l’aveuglement intellectuel. L’histoire montre que des erreurs persistèrent durant des siècles, non pas parce qu’elles étaient vraies, mais parce qu’elles furent défendues habilement.
    3. À la troisième objection, je réponds que la censure de l’hérésie n’est pas une tyrannie, mais une nécessité pour protéger la foi des simples. L’Église agit non en despote, mais en mère, guidant ses enfants vers le Salut éternel. L’autorité ne devient tyrannique que lorsqu’elle se fonde sur l’erreur, non lorsqu’elle défend « la vérité ».

    VI. CONCLUSION

    Il est donc démontré que la « liberté d’expression » ne peut être tenue pour un droit absolu lorsqu’elle s’étend à l’erreur et à l’hérésie. Ainsi, prétendre ou réclamer un droit de réponse ne tient d’aucune légitimité lorsque l’on professe l’erreur.

    Seule la Vérité divine a droit de cité, et il appartient à l’Église d’en être la gardienne. Admettre un droit à l’expression de l’erreur reviendrait à trahir la mission même de l’Église, laquelle est de conduire les âmes au salut, non à les abandonner au poison de la fausse doctrine.

    C’est pourquoi dans les temps jadis, dans une société très chrétienne, il y avait un gade fou : une autorité ecclésiastique était directement mandée pour pallier au problème et répondre à chaque attaque.

    CQFD !

    In Christo.

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